Perception cérébrale du monde
Problème : Comment les informations nerveuses issues des photorécepteurs sont-elles retranscrites par le cerveau pour créer une image ?
Le message nerveux prend naissance au niveau des cellules photoréceptrices dotées de pigments capables de convertir l'énergie lumineuse en message de nature électrique.
Ce message nerveux est transporté par le nerf optique via les "voies visuelles" jusqu'au cerveau.
IRM d'un patient qui a perdu la vue suite à une hémorragie cérébrale.
La zone touchée par l'hémorragie est indiquée par la flèche
Ses yeux fonctionnent encore.
La zone du cerveau en question est appellée "le cortex visuel", elle est située au niveau du lobe occipital de l'encéphale.
(A l'arrière du crâne).
Grâce à l'imagerie médicale du scanner on peut remarquer que les fibres nerveuses se croisent partiellement au niveau du "chiasma optique".
On distingue les fibres nerveuses issues des 2 hémi-rétines, temporale et nasale.
Pour étudier le trajet des messages nerveux, les neurobiologistes utilisent les renseignements fournis par des cas de patients ayant subi des lésions des voies visuelles.
Le document ci-dessous résume ces lésions (lettres) et leurs conséquences sur la perception du champ visuel par les yeux.
L'imagerie médicale permet d'examiner l'intérieur du corps d'un patient sans l'opérer. L'IRM est la technique la plus récente et la plus adaptée pour l'étude du cerveau, en 2D et en 3D (l'échographie est impossible car les ultra-sons ne passent pas la boîte crânienne).
L'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) permet de mesurer l'augmentation du débit sanguin dans un tissu en relation avec son activité biologique.
Le logiciel EDUANAT2 permet la visualisation d'imagerie anaatomique et fonctionnelle. (N'hésitez pas à le télécharger gratuitement).
Mise en évidence de l'aire V4,
pour la vision des couleurs et des formes
Des stimulus visuels colorés ou non sont présentés au sujet. Une image fonctionnelle des régions davantage activées par les stimulus colorés est ainsi produite puis on la superpose à une image anatomique. On met ici en évidence une aire visuelle spécialisée dans la perception des formes et des couleurs (aire V4) située au niveau du lobe occipital.
Mise en évidence de l'aire V5,
pour la vision des mouvements
On présente à des sujets des stimulus soit en mouvement, soit immobiles. On en déduit les régions davantage activées par les stimulus en mouvement. On met ici en évidence l'aire visuelle spécialisée dans la perception des mouvements (aire V5) située au niveau de la région temporo-occipitale.
Plusieurs aires corticales participent à la vision.
L’imagerie fonctionnelle du cerveau permet d’observer leur activation lorsqu’on observe des formes, des mouvements.
La reconnaissance des formes nécessite une collaboration entre les fonctions visuelles et la mémoire.
Dans le cortex cérébral, on peut identifier différentes aires :
-
V1 et V2 les aires primaires qui sont indispensables à la vision.
-
V3 responsable d’une identification de la forme.
-
V4 responsable de l’identification des couleurs.
-
V5 responsable de l’identification du mouvement.
-
Le cortex inféro-temporal qui semble être impliqué dans la mémorisation. Les aires collaborent pour former une image.
Problème : Comment se mettent en place les structures cérébrales impliquées dans la vision ?
Existe-t-il une "plasticité" à l'âge adulte ?
Plasticité cérébrale et vision
Pour comprendre le développement du cerveau on cherche à étudier les circuits nerveux et les connexions entre les neurones.
On observe que la quantité de neurones et le nombre de connexions augmentent au cours de l'enfance.
Les réseaux neuronaux font partie des structures que l'on développe au cours de sa vie.
Les neurobiologistes étudient des sujets en phase d'apprentissage (lecture ou jonglage par exemple) ou des patients atteints de troubles de ces apprentissages.
Complémentarité entre les fonctions visuelles et la mémoire.
Suite à un AVC, certains individus souffrent d'alexie, ils sont incapables de lire, ils ne reconnaissent plus les mots, mais les autres fonctions visuelles ne sont pas touchées.
On a ainsi pu mettre en évidence une zone cérébrale responsable de "la reconnaissance des mots", cette zone est d'autant plus activée que les lettres sont connues, fréquentes, associables et correspondent à un mot réel.
Chez l'être humain la région associée à la reconnaissance visuelle des mots est associée à la région de la reconnaissance des objets et des visages qui existe chez tous les primates.
Cette région se développe lorsque l'être humain apprend à lire.
Chez un lecteur entraîné un mot est analysé dans son ensemble, comme une entité, et non syllabe par syllabe ou lettre par lettre.
Ce n'est pas le cas chez un enfant qui apprend à lire.
Faites le test avec le texte ci-dessous ...
Regarder l'image suivante et dire rapidement à haute voix la couleur et non pas le mot.
Le temps nécessaire à l'identification de la couleur est beaucoup plus long lorsque le mot est incongruent (le mot "bleu" écrit en "rouge") que lorsque le mot est congruent (le mot "rouge" écrit en rouge) ou neutre (le mot "lion" écrit en rouge). Il existe un effet d'interférence, ou effet Stroop, provoqué par la lecture automatique du mot.
Chez les non-voyants, les aires dévolues à la vision peuvent se reconvertir. La lecture du braille active le cortex visuel.
L’expérience avec le masque sur les yeux, montre qu’une telle reconversion peut s’établir rapidement et de façon réversible (cela correspondrait à l’activation de circuits neuronaux qui existent déjà).
BILAN :
La mise en place du cortex visuel repose sur des structures cérébrales innées, issues de l’évolution et sur la plasticité cérébrale au cours de l’histoire personnelle.
Comme l’apprentissage, la mémoire nécessaire à la reconnaissance d’un mot ou d’un visage repose sur la plasticité cérébrale.
L’apprentissage nécessite la sollicitation répétée des mêmes circuits neuroniques.
La plasticité cérébrale est particulièrement active au cours du "développement" mais, dans une moindre mesure, elle se poursuit tout au long de la vie.
Le cerveau est un système dynamique, en perpétuelle reconfiguration, il peut apprendre et compenser une lésion.
La chimie de la perception
1943 Albert Hoffmann (chimiste suisse) a découvert fortuitement les effets du LSD (acide lysergique diétylamide).
Une vidéo pour tout comprendre sur cette molécule :
Le LSD perturbe la fonction visuelle, il modifie la perception, déformant le champ de vision, provoquant des apparitions terrifiantes et multicolores.
Formes, mouvements et couleurs sont modifiés, ce sont des hallucinations.
Le mouvement hippies aux USA sera grand consommateur de LSD, drogue psychédélique désinhibant la créativité...
Le LSD est retrouvé en quantité importante dans les "corps genouillés latéraux", principale zone de relais entre les neurones issus de la rétine (neurones A) et les neurones allant jusqu'au cortex visuel (neurones B).
Entre 2 neurones il existe un espace microcopique, appelé "fente synaptique" que le message nerveux ne peut franchir.
C'est pourquoi le neurone (A) pré-synaptique libère dans cet espace un neurotransmetteur : la sérotonine, capable de se fixer sur un récepteur spécifique situé sur la membrane du neurone (B) post-synaptique. Cette fixation entraîne la transmission du message nerveux.
Le fonctionnement d'une synapse est détaillé ci-dessous.
PA signifie "potentiel d'action", correspondant au déplacement du message nerveux sur la membrane du neurone.
On comprend que le message électrique a besoin d'un messager chimique, le neurotransmetteur, pour traverser l'espace de la fente synaptique.
Le LSD est une molécule dont la structure est très proche de celle de la sérotonine, ainsi il se fixe à la place du neurotransmetteur sur les récepteurs spécifiques de la sérotonine, il engendre alors des messages nerveux qui ne proviennent pas de la rétine, ce qui est à l'origine des hallucinations.
Le LSD est une drogue puissante qui entraîne rapidement des phénomènes de dépendance, il peut déclencher des troubles psychiatriques et des maladies mentales.
Le village de Pont-Saint-Esprit a connu un épisode étrange d'hallucination collective le 15 août 1951, "l'affaire du pain maudit" n'a pas encore été élucidée ...
Pour les curieux qui veulent en lire davantage : https://www.lepoint.fr/culture/1951-trip-sous-acide-a-pont-saint-esprit-09-07-2012-1482979_3.php