Un modèle dynamique de la lithosphère
Après la seconde guerre mondiale les recherches scientifiques reprennent, les moyens technologiques s'affinent, les données se font de plus en plus précises.
La théorie de Wegener va être réactivée par de nouvelles découvertes.
A l'aube des années 1960, plusieurs disciplines scientifiques, l'océanographie, la sismologie, la tomographie sismique, l'étude du paléomagnétisme et la volcanologie vont apporter des preuves de l'expansion océanique et permettre d'envisager une dynamique de la lithosphère par rapport à l'asthénosphère.
Les données océanographiques
Dans les années 1950-1960, le Lamont Doherty Geological Observatory (université Columbia, New York) lance un grand programme d'étude du fond des océans.
Il s'agit d'établir des cartes à partir des sondages bathymétriques obtenus lors de campagnes océanographiques dans l'océan atlantique.
Cela permet de mettre en évidence une longue chaîne montagneuse sous-marine, la dorsale médio-atlantique qui parcourt tout l'océan du sud au nord et qui est creusée, en son centre, par un fossé large de quelques kilomètres, le rift.
Cette carte majeure contribuera à l'élaboration du modèle de la tectonique des plaques.
Une page interactive pour découvrir la dynamique de la lithosphère
Philippe Consentino nous propose un outil permettant d'effectuer des coupes en 2D ou 3D pour obtenir un "profil crustal"
relevés stratigraphiques
Le modèle de la Tectonique des plaque fut élaboré à la fin des années 1960, il est prédictif, il prévoit que la croûte océanique est d'autant plus vieille que l'on s'éloigne de la dorsale.
A partir de 1968 des navires vont partir sur l'océan Atlantique pour réaliser une série de forages qui vont marquer l'histoire des Sciences de la Terre.
Voici les résultats du navire"Glomar Challenger" lors de la campagne DSP3 (Deep Sea Drilling Program).
Position des sites de forages par rapport à l'axe de la dorsale Atlantique
Age des sédiments par rapport à l'axe de la dorsale, répartition symétrique
Age des sédiments en fonction de la distance à la dorsale, on constate que plus on s'éloigne plus les sédiments sont anciens, cela confirme les prédictions du modèle.
Le modèle de la convection de Hess
On a trouvé à cette époque que la croûte océanique, de faible épaisseur (5-10 km), est composée de roches basaltiques relativement denses (2,8 à 2,9 g/cm3) alors que la croûte continentale, de plus grande épaisseur (30-40 km), est constituée de roches granitiques plus "légères" (~2,7 g/cm3). La faible épaisseur des séries sédimentaires trouvées près des dorsales pose problème. En effet, par dragage à l'aplomb des dorsales on remontait des basaltes ce qui indiquait une faible épaisseur de sédiments, par contre les forages du Glomar Challenger montrent la faible épaisseur générale des sédiments marins : que sont devenus les sédiments entassés depuis l'origine du globe ? Les océans ont donc une importance considérable, non pas à cause de leur étendue, mais parce qu'ils sont géologiquement très différents des continents.
Harry Hammond Hess , en 1960 (son article ne paraît cependant qu'en 1962), tente de regrouper cet ensemble de découvertes en une unique hypothèse. Avec une grande analogie avec le modèle de Arthur Holmes présenté trente ans auparavant, il affirme que le manteau terrestre est affecté de larges mouvements de convection et que les dorsales mettent en évidence les courants ascendants et les fosses océaniques les courants descendants. La croûte océanique est continuellement créée au niveau des dorsales. Elle est ensuite entraînée à la surface des cellules de convection, s'éloigne de part et d'autre des dorsales et finit par atteindre les fosses où elle disparaît dans le manteau. La croûte océanique est donc continuellement recyclée et c'est ce qui explique son jeune âge et la faible épaisseur des sédiments qu'elle porte. Les continents, au contraire, à cause de leur relative légèreté, ne peuvent pas retourner dans le manteau. Ils sont condamnés à dériver à la surface de la Terre, ce sont les « mémoires insubmersibles » du globe. Hess précise que les continents se déplacent non en fendant les fonds océaniques comme le suppossait Wegener, mais en étant passivement transportés sur une sorte de tapis roulant. En 1961, Robert Dietz reprend les visions de Hess et introduit l'expression « sea floor spreading » (expansion des fonds océaniques).
Les apports du paléomagnétisme
Le paléomagnétisme est la discipline qui étudie le champ magnétique passé de la Terre "fossilisé" dans les roches ou les vestiges archéologiques. Le paléomagnétisme a permis de découvrir la dérive des pôles magnétiques et surtout l’inversion périodique du champ géomagnétique de la Terre. Cette discipline constitue également une méthode de datation.
La Terre possède un champ magnétique engendré par son noyau externe liquide riche en fer (sorte de géodynamo). La graine (noyau interne solide), pourtant également très riche en fer, ne crée pas de champ magnétique puisque sa température est de plus de 6000 °C (T > TCurie du fer).
Ce champ magnétique a une influence sur la matière est en particulier sur les roches. Lorsqu'une roche se solidifie, les minéraux ferromagnétiques présents s'orientent en fonction du champ magnétique terrestre ambiant et conservent cette orientation (on parle alors de rémanence thermomagnétique).
En effet, en se refroidissant, ils passent d'un état paramagnétique (état désordonné des dipôles magnétiques) à un état ferromagnétique (les dipôles s'alignent selon le champ magnétique extérieur créant une aimantation permanente).
Il s'agit là d'une transition de phase réversible : dès que la température dépasse la température de Curie du corps (température à laquelle la transition à lieu), la roche perd alors son aimantation et redevient paramagnétique. Mais si la roche n'est ni réchauffée, ni altérée, elle garde alors "en mémoire" la direction et l’intensité du champ magnétique.
Les inversions magnétiques correspondent à un changement de la polarité du champ magnétique terrestre au cours des temps géologiques. Depuis 180 Ma, il y a eu quelques 300 inversions du champ magnétique terrestre. La durée d’une inversion est d'environ 2000 ans. La durée d'une polarité est appelée "chron".
Ce phénomène a été découvert en 1905 par un géophysicien français Bernard Brunhes (1867-1910). Alors directeur de l’observatoire du Puy de Dôme à Clermont-Ferrand, il montre, en étudiant la rémance thermomagnétique de plusieurs coulées de lave, que certaines indiquent des inversions du magnétisme. Ainsi, autrefois, une boussole aurait pointé vers le sud et non vers le nord !
Peu après, le géophysicien japonais Monotori Matuyama ajoute une dimension temporelle à ces inversions en datant diverses coulées de laves et mettant en évidence l'existence d'inversions multiples au cours des temps géologiques. Ses conclusions ne réussirent pas à convaincre la communauté scientifique et ses conclusions tombèrent dans l'oubli.
Il fallut attendre les années 60 et la publication des travaux de Fred Vine et Drummond Matthews pour confirmer cette découverte : en interprétant les anomalies magnétiques découvertes sur le plancher océanique comme des marqueurs de l’expansion, ils confirmèrent la théorie de la dérive des continents d'Alfred Wegener et donnèrent au paléomagnétisme ces lettres de noblesses.
Pour réaliser une chronologie, il suffit d'effectuer un prélèvement sur le terrain et de dater isotopiquement la roche ou le minéral au laboratoire. Il faut également mesurer son aimantation rémanente : on obtient ainsi une mesure locale datée du champ magnétique terrestre.
Mesures des flux de chaleur terrestres
Le texte suivant est extrait du site du CNRS :
Parmi les éléments chimiques composant la Terre lors de son accrétion, il y a 4,55 milliards d’années, certains étaient radioactifs, en particulier les isotopes de l’uranium (235U et 238U), du thorium (232Th) et du potassium (40K) . Ces éléments constituent une très faible proportion du volume terrestre mais disposent d’un pouvoir énergétique considérable. La désintégration de ces éléments radioactifs contenus dans les roches est la principale source d’énergie interne de la Terre.
Cette énergie produite à tout instant est dissipée en surface essentiellement par les continents et les océans sous forme d’énergie thermique. Les activités sismiques et volcaniques ne sont que des manifestations spectaculaires des phénomènes de dissipation énergétique. Mécaniques ou thermiques, ces phénomènes représentent seulement 4% des pertes énergétiques.
Il existe deux indicateurs permettant de mesurer la déperdition d’énergie en surface :
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Le flux géothermique mesure la quantité de chaleur dissipée à travers les roches. Le fait que la température augmente avec la profondeur démontre qu’il existe des échanges d’énergie thermique entre le centre de la Terre et sa surface. Il a une valeur moyenne de 60 mW/m² mais est loin d’être uniforme partout. Si ce sont les océans et les continents qui participent globalement le plus à la dissipation en raison des surfaces impliquées ; ce sont les régions volcaniques (points chauds et dorsales) qui perdent le plus d’énergie avec des flux géothermiques atteignant les 400 mW/m².
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Le gradient géothermique mesure l’augmentation de la température en fonction de la profondeur. Il existe deux mécanismes permettant la transmission de chaleur au centre de la Terre :
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Dans la lithosphère, elle est transmise par conduction : l’énergie thermique se propage d’atomes en atomes par agitation thermique sans mouvement de matière. Cela se traduit par un fort gradient géothermique de 10 à 20°C par km de descente. La température à la surface est de 15°C alors que celle à la base de la lithosphère est de 1300°C.
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Dans le manteau, l’énergie thermique est transmise par convection : c’est un mode de transport énergétique basé sur les mouvements de la matière. La matière chauffée perd de la densité et tend à remonter lentement. Plus tard, refroidie, elle gagne en densité et redescend tout aussi lentement. Le gradient thermique du manteau est faible, avec en moyenne 1°C par km de descente. On estime de manière encore peu précise la température du noyau à 5000°C.
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